Programme numérique des candidats à la présidentielle - C'est nous le futur #8
Bonjour à toutes et tous 👋
Cette semaine, je vous propose un petit résumé des propositions sur le numérique des candidats à l’élection présidentielle, qui j’espère continueront de s’étoffer dans les semaines qui viennent !
Le programme numérique des candidats à la présidentielle
Le numérique a déjà un impact important sur nos vies actuelles, et ça ne va aller qu’en accélérant. Hélas, les technologies ne font que très rarement irruption dans le débat public, ou alors de manière assez caricaturale (on pense au “Je ne crois pas au modèle Amish” d’Emmanuel Macron).
Il y a quelques jours, 10 associations de professionnels du numérique (France Digitale, Numeum…), regroupées dans le collectif Convergences numériques 2022, ont organisé au Cirque d’Hiver à Paris l’événement Le Pitch, où les candidats à l’élection présidentielle étaient invités à venir présenter leur programme pour le numérique. J’ai regardé pour vous le replay, et je vous en fais la synthèse ci-dessous.
Le Covid-19 et la guerre en Ukraine mettent la souveraineté numérique au coeur des priorités des candidats
Le numérique est un enjeu de résilience, de développement économique, de pouvoir, de sécurité et d’influence, en attestent la guerre de l’information en cours entre l’Ukraine et la Russie, les tentatives de cyber-attaques, le poids économique écrasant des plateformes américaines, ou encore les polémiques sur la modération des contenus…
Pour construire une souveraineté numérique, la quasi-totalité des candidats à l’élection présidentielle pensent qu’il faut assurer notre indépendance en termes d’infrastructure numérique :
Le cloud : j’en parlais il y a quelques semaines dans cette newsletter, le gouvernement actuel a développé un label “Cloud de confiance” auquel sont éligibles des co-entreprises entre géants américains et entreprises européennes. Ce projet est critiqué par presque tous les candidats (Pécresse, Jadot, Dupont-Aignan, Mélenchon, Zemmour…), car il maintient la dépendance envers les mastodontes américains. Cédric O défend lui le bilan du gouvernement Macron, en expliquant que ce serait tirer une balle dans le pied de nos entreprises que dans leur interdire d’utiliser les meilleures solutions de Cloud qui existent aujourd’hui (qui sont américaines). Il pense que des subventions peuvent permettre de développer une offre performante en Europe.
La circulation de l’information via les câbles et les satellites, qui doivent être en partis sous pavillon tricolore pour le représentant de la France insoumise.
Un accès sécurisé aux matières premières.
Concernant la cybersécurité, Valérie Pécresse propose de créer un parquet judiciaire dédiée aux questions numériques, ainsi que d’augmenter les moyens de la police et de l’armée. De même, les moyens de l’ANSSI et de la gendarmerie seraient renforcés sous un nouveau mandat d’Emmanuel Macron, tout comme les moyens pour faire de la prévention auprès des citoyens.
Soutenir l’innovation dans les entreprises numériques
Valérie Pécresse souhaite encourager la commande publique pour financer l’innovation dans l’écosystème français tout en transformant les services publics, en fixant un objectif de 50% de logiciels français ou européens dans les administrations. La plupart des autres candidats défendent aussi cette idée : Yannick Jadot et Dupont-Aignan évoquent par exemple la proposition d’un Buy European Act, pour acheter européen en priorité. Le représentant de Jean-Luc Mélenchon apporte une nuance avec un protectionnisme encore plus fort, puisqu’il serait franco-français et non européen. Cédric O dénonce lui les fausses promesses des autres candidats à ce sujet : le gouvernement d’Emmanuel Macron pousse pour l’adoption d’une préférence européenne dans l’achat public, mais cela dépend d’une compétence de la Commission européenne et aucun consensus européen n'émerge sur ce sujet depuis 5 ans, c’est donc loin d’être gagné.
Anne Hidalgo orienterait vers le numérique et la transition écologique les 5 milliards d’euros qu’il reste du plan de relance européen. Jadot souhaite maintenir le soutien de l’Etat pour aider les PME à se digitaliser, tout en numérisant les administrations publiques pour les rendre plus efficaces. Valérie Pécresse veut diviser par 2 la durée des procédures administratives, pour faciliter l’entrepreneuriat. Zemmour souhaite exonérer de charges sociales les deux premières embauches d’une société qui vient de se créer, tout comme les primes et les actions des salariés.
Valérie Pécresse souhaite également qu’une autorité se prononce pour autoriser ou refuser le rachat d’entreprises Tech françaises stratégiques par des groupes étrangers, idée sur laquelle Nicolas Dupont-Aignan la rejoint.
Pécresse, Dupont-Aignan et Zemmour sont globalement alignés pour proposer la création d’un plan d’épargne d’innovation qui orienterait les économies des Français vers de nouveaux fonds finançant par exemple les scale-ups ou la relocalisation des entreprises numériques. L’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon souhaite elle faire passer ce financement par la BPI, qui aurait une licence bancaire pour pouvoir prendre des risques.
Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique de Macron, ne pense pas que créer un ministère du numérique à part entière puisse changer la donne, si ce n’est pour le symbole. Pour lui, ce qui est important est surtout que le numérique soit rattaché à la puissance administrative de Bercy, pour être sûr d’avoir un vrai impact.
LREM souhaite faire de Paris le Nasdaq européen dans les 5 à 10 ans qui viennent, en modifiant notamment la loi sur les droits de votes multiples pour que les fondateurs de licornes aient envie de s’introduire en bourse à Paris (pour pouvoir émettre des actions tout en conservant la majorité du pouvoir de décision dans l’entreprise). Il souhaite également inciter fiscalement l’investissement dans le seed et les start-ups early stage.
Prendre en compte l’impact social et environnemental du digital
Yannick Jadot veut favoriser l’innovation pour trouver des solutions réduisant les émissions de CO2 du numérique, par exemple en distribuant davantage les data centers sur le territoire et en les utilisant pour alimenter des réseaux de chaleur, idée également soutenue par Jean-Luc Mélenchon. Nicolas Dupont-Aignan pense aussi que la clé de la réduction des émissions peut se trouver dans des innovations technologiques. La plupart des candidats s’opposent en tout cas fermement à l’obsolescence programmée.
Valérie Pécresse propose un Green Data Hub pour mettre à disposition de tous les données liées à l’impact climatique. Le représentant du candidat de la France insoumise souhaite également que toutes les entreprises communiquent leurs consommations énergétiques.
Nicolas Dupont-Aignan, Anne Hidalgo, Cédric O et le représentant de Mélenchon défendent l’égal accès des Français au numérique : numériser les services peut exclure des citoyens. Pour cela, Emmanuel Macron souhaite continuer à développer des maisons France Service sur tout le territoire.
Anne Hidalgo insiste sur la protection des données et souhaite oeuvrer pour développer le modèle européen qui, selon elle, est équilibré entre développement économique, responsabilité sociale et responsabilité environnementale. Yannick Jadot pose en particulier la question des inégalités qui émergent, avec les effets de réseaux qui amènent une dynamique “winner takes all”, évitable selon lui en injectant de l’ouverture et de la "multitude” dans le secteur du digital. Cela passerait par une meilleure portabilité des données garantie par une deuxième version du RGPD.
L’Union populaire de Jean-Luc Mélenchon souhaiterait mettre en place une régulation plus forte pour imposer les géants du numérique, en l’appliquant en France si un consensus européen n’aboutit pas. Des normes environnementales seront imposées à la fois à la production en France et aux importations. Zemmour, lui, ne souhaite pas multiplier les normes, notamment environnementales, mais plutôt les simplifier.
Dupont-Aignan appuie sur l’importance de la liberté, pour protéger la vie privée des Français, ne pas dériver vers une dictature technologique, limiter la censure sur les réseaux sociaux ou encore le tracking.
Sur la question de la diversité, Eric Zemmour pense qu’il ne faut rien changer : l’homme blanc a le droit de continuer à être privilégié, on ne doit pas chercher à augmenter la diversité dans les entreprises Tech. De même, Zemmour prône l’immigration 0, avec quelques exceptions possibles pour des talents exceptionnels. Pour lui, l’informatique doit permettre de faire travailler des étrangers pour nos entreprises, mais en remote, en s’assurant donc qu’ils restent dans leur pays.
Développer les talents du numérique à travers la formation et la recherche
Valérie Pécresse et Eric Zemmour proposent, comme voulu par Macron, de commencer à apprendre à coder dès le collège ou le lycée et d’orienter davantage de lycéens vers des formations numériques. Dans le supérieur, Zemmour souhaite que les écoles comme 42 se multiplient. Valérie Pécresse espère reconvertir 50 000 fonctionnaires et des demandeurs d’emploi dans le digital. Les mathématiques sont évoquées par Valérie Pécresse et la France insoumise comme une priorité sur laquelle il faut remettre l’accent au lycée, avec plus de moyens et en incitant les femmes à s’y intéresser.
Valérie Pécresse souhaite rendre possible l’apprentissage avant le Bac pour mener vers les métiers du numérique, point auquel s’oppose la France insoumise, qui veut davantage mettre l’accent sur un réseau de lycées professionnels. Anne Hidalgo souhaite, elle, développer l’alternance dans le supérieur.
Si elle était élue, la France insoumise mettrait en place un revenu garanti de 1063€ pour les étudiants, vivier d’entrepreneurs et d’ingénieurs, quand Valérie Pécresse propose un “revenu jeune actif” de 670€ pendant 6 mois de formation à un métier qui recrute, qu’elle oppose au contrat d’engagement d’Emmanuel Macron qui rémunère 500€ un jeune contre 14 heures dans une mission locale.
Dupont-Aignan pense qu’il est important d’augmenter le budget de la recherche, pour mieux payer nos chercheurs. Enfin, Anne Hidalgo voudrait porter, en partant des territoires, 4 “odyssées” industrielles où des moyens importants seraient donnés à la recherche et la formation : sur la santé, les énergies renouvelables, la mobilité et le numérique.
En conclusion : des propositions globalement assez similaires, sauf sur quelques points
La souveraineté numérique est définitivement LE sujet à la mode dont tous les candidats parlent. Tous sont d’accord pour critiquer la démarche de “Cloud de confiance” du gouvernement Macron, qui se défend en pointant un problème de réalisme chez l’opposition. Cette même opposition se retrouve dans la volonté d’accorder une préférence aux entreprises françaises ou européennes dans la commande publique : tout le monde est globalement d’accord, mais LREM s’est confronté à la difficulté d’aboutir à un consensus européen.
Tous les candidats souhaitent globalement soutenir la recherche, la formation et l’innovation des entreprises françaises, avec des nuances qui recoupent les clivages gauche-droite traditionnels : on exonère les entreprises de charge à droite, on est un peu plus vigilant aux inégalités et à l’impact environnemental à gauche. Certains candidats semblent mieux comprendre que d’autres le numérique et ses mécaniques d’effets de réseaux, mais personne ne trouve de solution magique à l’écrasante domination des Big Tech, si ce n’est quelques furtives évocations de l’open data, la portabilité des données et l’open source.
Et quelques petites news à lire en téléchargeant un VPN
👋 Cédric O, l’actuel Secrétaire d’Etat chargé du Numérique, a annoncé qu’il arrêterait la politique à l’issue de l’élection présidentielle. On ne connaît pas encore son remplaçant ou sa remplaçante.
🚲 Deliveroo est actuellement jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour “travail dissimulé”. On devrait savoir dans quelques jours si les livreurs autoentrepreneurs devraient bénéficier du statut de salariés, ce qui pourrait changer pas mal de choses pour toutes les plateformes à la Uber.
🤳 Substack (que j’utilise pour cette newsletter) lance une app iOS. Elle permet notamment de lire les newsletters avec davantage de confort visuel et de bénéficier de fonctionnalités plus poussées (pour la lecture de vidéos, de podcasts…) que sur un simple email. Une fois l’app téléchargée, l’utilisateur recevra une notification à la place d’un email à chaque fois qu’une nouvelle newsletter est publiée. Au global, j’ai surtout le sentiment que Substack cherche à diminuer sa dépendance envers l’email (pour distribuer le contenu) et les réseaux sociaux (pour faire découvrir de nouvelles newsletters), afin d’inciter les utilisateurs à davantage rester au sein de l’écosystème Substack. C’est donc un peu antinomique avec la philosophie de Substack, qui met en avant l’interopérabilité (même s’il sera possible de lire sur l’app des newsletters non-Substack via des flux RSS) ainsi que l’absence de modération (Substack devra bien faire des choix de mise en avant de contenu dans la partie de l’app qui permet de découvrir de nouvelles newsletters).
🪖 La guerre de l’information continue de fuser dans tous les sens : après que Facebook ait assoupli ses règles de modération pour tolérer les messages violents contre les Russes, la Russie a bloqué Instagram, comme elle l’avait fait un peu plus tôt pour Facebook. Twitter n’est lui pas encore totalement bloqué mais restreint ; en réponse, le réseau social s’est rendu accessible sur le dark net via le réseau Tor. Pendant ce temps, TikTok fait preuve de complaisance avec les autorités russes en bloquant l’accès en Russie aux contenus étrangers, ce qui empêchera aux Russes d’avoir accès à des avis contradictoires… à l’instar de Douyin, la version de TikTok accessible en Chine, qui est aussi fermée sur elle-même. Côté ukrainien, des comptes Telegram proches du gouvernement poussent des milliers de personnes a posté des commentaires pro-ukrainiens pour mettre la pression sur les influenceurs, entreprises et décideurs occidentaux.
🧑⚖️ Une enquête de la Commission européenne est en cours à l’encontre de l’accord “Jedi Blue” signé en 2018 entre Google et Facebook. Google contrôle aujourd’hui une grande partie de la publicité programmatique (vente en temps réel de publicité display sur de nombreux sites Internet). Pour conserver cet avantage, Google aurait cherché à sabrer l’initiative “header bidding” visant à mettre en concurrence différents réseaux publicitaires, en demandant à Facebook de ne pas rejoindre ce système. Facebook aurait en échange bénéficié d’un traitement préférentiel sur les outils publicitaires de Google.
🧱 Notion a annoncé lors de sa conférence Block by Block des nouveautés pour séduire les grandes entreprises sans perdre sa hype : une nouvelle organisation de la sidebar par équipes, une organisation plus directe des vues et filtres des bases de données (qui rappelle pas mal Airtable) et des connexions plus puissantes avec les outils utilisés par une grande partie des équipes digitales (Google Calendar, Jira, Github). Notion essaie donc en partie de copier ce qui fonctionne dans d'autres outils, en même temps qu'il se fait copier par ces mêmes outils (Google Docs vient de lancer son smart canvas avec un format pageless), qu'il essaie d’ailleurs aussi de connecter entre eux… On ne sait plus bien si ces outils sont des compléments ou des substituts : est-ce qu'une entreprise qui a Google Workspace a plus de chances d'être aussi cliente de Notion ou l'inverse ? Notion cherche certainement à être complémentaire des grandes suites Google, Microsoft... Tout ça se retrouve d'ailleurs dans leur mission : "Make software toolmaking ubiquitous". Pour ce faire, Notion a besoin de travailler avec les outils que les utilisateurs utilisent déjà.
🛤 Twitter cherche à faire du neuf avec du vieux, en relançant des initiatives de décentralisation qui avaient été initiées aux débuts du réseau social puis mises de côté pour développer Twitter sur le même modèle que Facebook (plateforme financée par la publicité). Le nouveau CEO de Twitter y croit beaucoup, et cela va au-delà des NFT : le projet Bluesky vise par exemple, entre autres, à permettre aux développeurs de proposer des algorithmes d’affichage des contenus sur Twitter basés sur des règles différentes de celles de l’entreprise Twitter.
Les tweets de la semaine
La musique de la semaine
Ça y est, ils ont fait sauter la tour Eiffel
On pensait pas qu'ils oseraient mais le mal est fait
Comment on a pu en arriver là ? Difficile à croire
La nuit a été calme, ils ont bombardé que trois fois
Merci beaucoup d’avoir lu cette newsletter ! Je vous dis à la semaine prochaine 👋